Feu du 31-08-10 à Saint-Bauzille-de-Montmel, vu depuis l’ancien poste de surveillance au sommet de Mounier.
En 1976 et 1990, le bois des Lens a été parcouru par deux des plus grands incendies recensés dans le Gard. À chaque fois, 2 000 ha ont été calcinés et le feu a mis en danger plusieurs villages (Montagnac, Crespian, Combas…). Les départs de feux sont fréquents en été, particulièrement au bord des routes qui le traversent ou le bordent.
Une zone à haut risque
Les 8300 ha du massif présentent une végétation d’une grande variété, mais dans la zone concernée par le projet éolien, qui a été le lieu des deux plus grands incendies récents, domine une garrigue touffue avec des essences inflammables comme le pin d’Alep. Cette zone est estimée à un niveau de risque « élevé à très élevé » selon l’échelle ONF. La sécheresse dure au moins trois mois par an, ce qui constitue un facteur aggravant. Les vents dominants, violents et secs, sont le plus souvent d’orientation NNE (mistral)
Le dispositif national de lutte contre l’incendie a été efficace ces dernières années pour limiter l’impact des départs de feux, car l’intervention précoce des avions de la protection civile, maintenant basés à Garons, au sud de Nîmes, a régulièrement permis d’écraser tout départ de feux et d’éviter ainsi tout développement cataclysmique. Mais cette efficacité dépend de la liberté de manœuvre des avions, donc de l’absence d’obstacles dans l’espace aérien au-dessus et autour de la cible des largages. La construction d’éoliennes va créer de facto une zone où le survol et le largage sera impossible, dans un rayon de 600 m de rayon autour de chaque mât. Ceci obligera à modifier entièrement la tactique de lutte contre les incendies sur cette partie du bois.
Un jugement du Conseil d’État qui a stoppé les anciens projets
Le Collectif du bois des Lens avait basé son opposition aux premiers projets éolien en grande partie sur l’importante aggravation du danger incendie pour le sud du bois des Lens et les villages situés sur son pourtour, en tout premier Montagnac. Cette aggravation avait été reconnue par la préfecture du Gard qui avait refusé les permis de construire. Après que les promoteurs de l’époque aient fait appel, l’affaire avait abouti devant le Conseil d’Etat qui avait estimé dans sa décision du 23 décembre 2015 que les documents en sa possession ne permettaient pas de conclure « que les mesures tenant au débroussaillement, à l’entretien des accès au sol ou à la mise en place de citernes soient de nature à compenser efficacement les perturbations induites dans la lutte contre les incendies par la présence des éoliennes et, ce faisant, à supprimer l’atteinte à la sécurité publique ainsi caractérisée.«
Supprimer la forêt pour contourner la décision du Conseil d’État
TotalEnergies et la mairie de Moulézan reviennent à l’attaque avec un projet comportant 5 éoliennes. Ils prétendent que les mesures de prévention qu’ils prendront permettront de « renforcer la protection du massif« . Ces mesures que nous ne connaissons que partiellement visent à compenser l’absence des avions par une modification drastique de la zone située au nord des éoliennes, mais aussi au sud sur la commune de Montmirat, et même au nord sur la commune de Montagnac. Il ne s’agira plus d’un bois au sens naturel du terme, mais d’une zone qui devra être entretenue en débroussaillement en permanence.
De nouvelles pistes d’accès seront créées pour les pompiers, bordées de zones débroussaillées aux normes DFCI. A cela s’ajoutent les préconisations du SDIS du Gard qui souhaite un débroussaillement sur une surface d’un rayon de 600 m autour de chaque éolienne, c’est à dire sur toute la zone d’exclusion aérienne. Il ne s’agit pas de faciliter l’approche des avions, mais de réduire massivement la masse de combustible, et donc la quantité de fumée, afin que les pilotes puissent identifier facilement la zone de non-survol et la position des éoliennes et éviter les collisions. Cette zone drastiquement débroussaillée devra permettre aussi aux pompiers au sol d’opérer de manière plus sécurisée.
Il faut souligner que toutes ces mesures concernent des parcelles bien plus nombreuses que celles pour lesquelles TotalEnergies possède un bail emphytéotique. Qui paiera la note de l’entretien permanent des débroussaillements ?
Pour quelle efficacité ?
Ces mesures permettront-elles de compenser l’absence des avions de lutte ? Rien n’est moins sûr, car la preuve a été faite ces dernières années que des feux de grande ampleur pouvaient se développer même sur une végétation basse. Ce qui est certain, c’est que la doctrine nationale de lutte contre les incendies de forêt, qui implique l’intervention précoce des avions bombardiers d’eau, ne pourra pas s’appliquer sur toute cette zone pourtant classée à risque « élevé à très élevé ». Et cela constitue en soi une baisse du niveau de protection du bois et, en conséquence, des populations environnantes.
A quel prix environnemental ?
D’un point de vue environnemental et paysager, c’est à un prix exorbitant que l’installation d’éoliennes en garrigue serait considérée comme possible. C’est une transformation totale de toute cette partie de bois des Lens qui est envisagée. Il ne s’agira plus d’une zone naturelle, mais d’un espace soumis à des contraintes strictes d’entretien permanent.
Mesures de protection et mesures compensatoires
Les éoliennes créant une zone d’exclusion pour les avions bombardiers d’eau, il sera nécessaire de compenser l’absence des ces moyens de lutte par des mesures qui soit permettront de faciliter la lutte au sol, soit auront une visée préventive. La traduction concrète sur le terrain sera une très importante transformation de toute la zone boisée qui ira au-delà des limites de la commune de Moulézan et touchera Montagnac et Montmirat. Si on combine les obligations légales avec les propositions de l’ONF et les préconisations du SDIS 30, on aboutit à plus de 250 hectares débroussaillés, auxquels il faut ajouter une zone de compensation à visée naturaliste (une cinquantaine d’hectares) et plusieurs km de nouvelles pistes DFCI bordées de bandes débroussaillées. Ce sont donc environ 300 ha qui seront débroussaillés, déboisés ou défrichés !
Ces surfaces devront par la suite être entretenues en permanence. Tout cela aura un coût important, que l’ONF semble chiffrer à environ 730 000 euros HT pour les travaux et à 120 000 euros HT annuellement pour l’entretien.
Et cela pour une efficacité difficile à démontrer, l’ONF lui-même disant dans son étude provisoire de 2018 : « la réussite de cette stratégie ne peut être garantie ».
Pour aller plus loin :
Le Collectif d’associations pour la défense du bois des Lens, considère que le risque d’un nouvel incendie de grande ampleur sur le bois des Lens sera augmenté après la construction des éoliennes, au prix de la dégradation d’un milieu naturel riche et préservé.