AVIS DE LA COMMISSAIRE-ENQUÊTRICE
Il est publié le lundi 18 décembre. Le verdict est peu encourageant pour nous : FAVORABLE AVEC RESERVES.
On ne peut que former des doutes sur le bon fonctionnement de nos institutions.
Malgré tous les éléments apportés au cours de l’enquête publique, fournis de façon sérieuse et bien sourcée par de nombreux intervenants, c’est la parole de TotalEnergies qui prévaut, même lorsque qu’elle n’entretient avec la vérité factuelle que des rapports hasardeux.
Le document est en deux parties :
– Dans la première partie, la commissaire-enquêtrice (CE) fait un historique de l’enquête publique (EP), puis liste les points soulevés au cours de cette EP. TotalEnergies commente chaque partie longuement, en contestant systématiquement toutes les critiques. Puis la CE fait une conclusion pratiquement systématiquement favorable à la version de TotalEnergies. Ce schéma se répète tout au long du document.
– Dans la seconde partie (20 pages), la CE reprend ses observations et conclut :
AVIS DU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR SUR L’ENSEMBLE DU PROJET
En conclusion, compte tenu de l’ensemble des éléments développés tant dans le rapport que dans la présente partie,
– considérant que le projet de parc éolien de Puech Peyron répond à la notion de Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur,
– considérant la contribution attendue de ce projet à la satisfaction des objectifs nationaux et régionaux en matière de lutte contre le changement climatique et de développement des énergies renouvelables,
– considérant l’intérêt des dispositions projetées au regard de la défense incendie du massif du Bois des Lens, hautement vulnérable en l’état actuel,
Le commissaire enquêteur formule un AVIS FAVORABLE à la délivrance de l’autorisation
environnementale sollicitée.
Cet avis favorable est ASSORTI DES RÉSERVES SUIVANTES :
– aucune piste d’accès supplémentaire ne devra être créée pour la réalisation de ce projet ;
– la demande de défrichement devra, si nécessaire être modifiée en fonction de l’avis de la DDTM sur l’aménagement projeté de la piste existante en bordure ouest du massif et son impact potentiel non analysé au présent dossier.
– l’autorisation environnementale éventuelle comportera l’obligation de mise en place d’un comité de suivi associant le porteur de projet, les services administratifs, les collectivités publiques et les organismes représentatifs de la population locale. Cette instance aura vocation à s’assurer de la bonne mise en œuvre des prescriptions imposées au maître d’ouvrage et à analyser de manière partagée les éventuels dysfonctionnements. Elle se dotera de moyens de recueil permanent de ces dysfonctionnements et se réunira à des fréquences adaptées à l’état d’avancement du projet.
Le commissaire enquêteur recommande par ailleurs
– de formaliser par écrit les différents protocoles d’alerte ou d’intervention prévus en matière de prévention des pollutions des eaux ainsi que ses relations avec le SDIS 30 en matière d’implantation de la 2ème citerne de 30m3, et de modalités de surveillance, d’alerte et d’intervention ;
– de mettre en place, chaque fois que possible, des dispositifs de type fascines à l’aval des zones donnant lieu à débroussaillement afin de freiner les écoulements d’eaux de ruissellement ;
– de doter les équipes de chantier de moyens de lutte contre des feux naissants tels que citernes mobiles, extincteurs…
– de poursuivre sa démarche de conventionnement en vue de l’utilisation et l’entretien des pistes d’accès.
Fait à Les Angles le 15 décembre 2023
Le commissaire enquêteur
Nous avons du mal à percevoir l’importance des trois réserves que fait la CE, et ne voyons pas en quoi elles sécuriseront le massif.
Elles nous paraissent surtout jouer un rôle tactique dans la gestion de la suite des événements.
Pourquoi pas de piste d’accès supplémentaire ? Peut-être pour ne pas avoir à négocier avec des municipalités voisines hostiles au projet.
Pourquoi un comité de suivi ? Pour jouer un peu à la démocratie, notion dont on s’est peu préoccupé pendant toute la préparation du projet.
Les avis des élus locaux, plus que majoritairement opposés au projet, n’ont compté pour rien, pas plus que ceux des associations naturalistes ou environnementalistes locales, dont la compétence est reconnue par les administrations. Toutes sont fortement opposées au projet.
A la lecture du CR, on se rend compte que TotalEnergies ne cherche même pas à apporter des changements ou des améliorations. La firme se contente de contredire toutes les critiques et de souligner le bien-fondé de ses choix. Elle ne recule pas devant des inexactitudes flagrantes.
S’attendait-ton à mieux de la part de TotalEnergies ? Pas vraiment.
Mais on ne qu’être déçu par le fait que la CE joue pas vraiment son rôle de régulateur.
Elle ne cite que de façon très schématique les éléments avancés par les opposants, laissant en fait ce travail à TotalEnergies, qui sélectionne avec soin certains points, et noie le poisson sous une logorrhée d’une lecture difficile.
Une grande partie de ce texte est dénué de pertinence, et émaillé d’erreurs factuelles.
On aurait pu attendre que la CE en fasse une lecture critique, mais ce n’a pas été le cas, car elle approuve presque tout dans ses conclusions.
L’impression finale est celle d’un manque de sérieux qui, je dois dire, n’honore pas l’institution de l’enquête publique.
Il ne s’agit pas de divergence d’opinion, mais de fausses affirmations non relevées par un arbitre qui ne joue pas correctement son rôle.
Deux exemples, parmi beaucoup d’autres, pour montrer l’absence de sérieux de cette enquête :
– pour l’aigle de Bonelli : la commissaire-enquêtrice conclut que :
Le comportement de l’aigle de Bonelli a été analysé au regard du retour d’expérience sur d’autres sites éoliens et l’appréciation d’un impact résiduel très faible sur cette espèce paraît justifié.
En fait, « le retour d’expérience » est celui du cabinet d’études qui a fait le dossier, qui prétend avoir observé que les aigles de Bonelli évite les éoliennes. Aucune étude scientifique ne sous-tend cette affirmation. Mais on ne peut que douter de la compétence de ces « observateurs » quand on lit dans les commentaires de TotalEnergie : Les données de mortalité actualisées de T. Dürr (juin 2022) mentionnent seulement 2 cas pour cet aigle, dont un en France, qui héberge le cœur de la population européenne avec plus de 750 couples (pour une population européenne estimée à environ 900 couples). Si la statistique de mortalité est exacte, par contre la suite est totalement fantaisiste, mais calculée pour donner l’impression que l’aigle de Bonelli est très présent en France. La réalité est qu’il n’y avait en 2022, selon les spécialistes du Plan National d’Action, que 42 couples en France, dont seulement 22 ont élevé des jeunes cette année là.
Le plus triste est que nous (le Collectif), mais aussi d’autres intervenants (LPO, CO-Gard, Gard-Nature) avions fourni toutes les données à la CE, avec les références, ce qui lui aurait permis d’apprécier correctement le problème. En pure perte.
– Pour les chiroptères : la France adhère au traité européen EUROBAT, qui est sensé les protéger. Nous avons fourni à la CE toutes les informations sur les recommandations faites par cette instance, qui demande à ce que les éoliennes ne soient pas installées dans un bois ni à moins de 200 m de la lisière d’un bois, en fournissant les références, etc. Résultat : Total fait un long développement sur EUROBAT, dans lequel sont listées plusieurs autres préconisations (ne pas capturer, ne pas utiliser des produits phytos, etc). Pas un mot sur la recommandation N° 1. La CE conclut : Les dispositions prévues par la Charte de l’environnement et le traité Eurobats ne sont pas enfreintes par le projet.
Les exemples sont multiples et nous allons devoir les signaler à la préfecture. Et peut-être plus tard à la justice.
Une seule vraie information est amenée sur le projet lui-même : interrogé par la CE sur le problème de la présence d’huile dans les éoliennes, TotalEnergies répond que les machines choisies en contiennent bel et bien. Pour mémoire, le maire de Moulézan avait doctement informé le public que les éoliennes modernes ne contiennent pas d’huile. Or, selon TotalEnergies, la boite de vitesses de l’éolienne Vestas V120 contient 1 170 litres d’huile, le système hydraulique 250 litres et le système d’orientation « yaw gears » 96 litres, soit 1516 litres d’huile au total.
Introduire dans un massif karstique qui est l’impluvium de plusieurs forages desservant des milliers de personnes, 5 X 1516 litres d’huile de synthèse est-il un problème ? Non, car
L’exploitant a par ailleurs détaillé les protocoles mis en œuvre tant pour les opérations de maintenance que pour les interventions d’urgence et le cadre normatif qui en garantit l’efficacité.
Enfin, l’engagement pris d’une information immédiate de l’exploitant des réseaux d’alimentation en eau exploitant la ressource karstique sous-jacente constitue également un point positif pour la gestion d’une situation accidentelle susceptible d’impacter la qualité des eaux souterraines.
Reste l’hypothèse d’un effondrement de l’éolienne qui semble toutefois, à ce jour et compte tenu du retour d’expérience disponible, très peu probable du fait de l’amélioration des techniques de construction et des procédures de suivi de la stabilité des ouvrages.
Sommes-nous rassurés ?
Nous sommes, dans le Collectif d’associations pour la défense du bois des Lens, très respectueux des institutions démocratiques, que nous aimerions voir fonctionner correctement. Mais là nous ne pouvons qu’être fortement déçus.
Pour consulter l’avis de la commissaire-enquêtrice :
AVIS DU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR Partie 1 : RAPPORT DU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR
AVIS DU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR Partie 2 : CONCLUSIONS ET AVIS DU COMMISSAIRE ENQUÊTEUR